Doit-on avoir de la compassion pour les migrants ?

Doit-on avoir de la compassion pour les migrants ?

L’histoire d’un boulanger et d’un migrant

Un boulanger français « blanc » de Besançon décide d’entamer une grève de la faim pour contester l’expulsion de son apprenti, un migrant « noir », vers son pays d’origine, La Guinée. A elle seule, cette histoire devrait nous redonner confiance en l’être humain. Et pourtant, le côté obscur des réseaux sociaux et les commentaires lisibles sous les articles de presse sur le net, désagrègent l’espoir envers la bienveillance des Hommes pour leurs prochains. Je souhaite ici vous parler du pessimisme dans lequel certaines personnes négatives m’entrainent et, à contrario, de comment un « simple » boulanger me redonne de l’optimisme envers l’Homme.

Le racisme est un mal persistant qui nous poursuivra sûrement jusqu’à la fin des temps, mais à la suite de cet évènement, on pouvait lire des réactions qui allaient au-delà du racisme. Certaines personnes s’en prenaient directement au boulanger en l’accusant de se battre de cette manière non pour sauver son apprenti, mais pour ne pas avoir à payer un salaire plus élevé à un français dit de souche vivant déjà dans notre beau pays. Aller jusqu’à penser qu’un homme mette sa santé en danger pour profiter de quelques billets sur le dos d’un migrant, m’a inspiré cette réflexion. Comment garder espoir en l’être humain si même une bonne action comme celle-ci est appréciée avec tant de mépris ? Madame ou Monsieur en commentaire anonyme a poussé l’abjection en indiquant que la grève de la faim serait bénéfique pour la perte de poids de cet homme bon.

Plusieurs métiers en France, et notamment dans les petites villes et les campagnes, sont en souffrances de main-d’œuvre pour une raison touchant à la pénibilité du travail. Ce boulanger a multiplié les annonces d’offres d’emploi en apprentissage mais aucun candidat ne s’est proposé. Seul volontaire, un migrant qui a traversé toutes les peines du monde pour arriver en France et essayer de prendre son destin en main en commençant par apprendre un métier. Courageux, sérieux, et motivé, le maître décide de prendre sous son aile l’apprenti venu d’ailleurs. Quoi de plus louable ? Malheureusement, les valeurs des uns ne sont pas celles des autres. Nouveau reproche de la part du commentateur anonyme : « Surement qu’il n’a pas diffusé son annonce sur toute la France, sinon forcément un candidat (je suis tenté de rajouter « bien de chez nous ») se serait présenté. »

C’est donc de la faute des boulangers s’il y a une pénurie de candidats à l’apprentissage de ce métier en France car ils ne vont pas les chercher à 1000 km du lieu de travail, et qu’ils ne proposent pas un salaire plus important dans le but de se garantir plus de profit ?

Que fait-on alors ? Si un migrant arrive en vie et en bonne santé jusqu’ici et qu’il ne travaille pas, on l’accusera d’être venu profiter du système. S’il se met à travailler, on l’accuse d’être venu s’accaparer le travail des français dits de souche (cette réflexion pourrait s’appliquer dans d’autres pays). Le cercle vicieux de l’humain sans compassion est un gouffre sans fin. L’immobilisme dans lequel serait l’humanité si on réagissait tous de cette manière est vertigineux.

Raviver la flamme de la compassion, est-ce possible ?

La compassion : A quel moment a-t-elle changé de camp ? Aujourd’hui, on méprise ceux qui en font preuve. Je vous le redemande, comment peut-on garder espoir en l’être humain ? Il n’est pas rare lorsqu’on tente de parler des migrants avec indulgence, de se heurter au rejet à l’encontre du miséreux. Des personnes qui fuient la guerre, la misère, mettant leur vie en danger au-dessus de l’eau, ne demandant qu’à travailler, qu’à vivre un peu mieux, sont parfois (pour ne pas dire souvent) considérés comme des envahisseurs. Rappelez-vous qu’en 2019, en Italie, une femme capitaine d’un navire, a été poursuivie par la justice italienne pour avoir sauvé des migrants en mer Méditerranée. On parle même de « délit de solidarité » même si le terme n’existe pas juridiquement parlant, en tout cas pas encore. Mais, en toute franchise, de vous à moi, si nous étions à leur place, vivant en dessous du seuil d’une pauvreté qu’on n’imagine même pas, qu’aurions-nous fait si ce n’est la même chose qu’eux ? Compassion, où es-tu… ?

Le tableau que je peins est certes sombre mais, une lumineuse étincelle jaillit sous la forme d’un homme, boulanger de son métier, qui met sa vie en jeu pour nous interpeller et se lever contre l’injustice subi par son semblable. Un jeune homme noir gravit un immeuble, sans protection, sans hésitation, pour sauver un enfant blanc suspendu dans le vide. Des organisations se battent pour venir en aide aux, français, aux migrants, à tout être humain dans le besoin. Des médecins quittent leur confort pour venir en aide aux humains de pays en guerre, pauvres et en proie à la maladie. J’allume ma télé et je vois une émission sur Les Restos du Cœur, Le Secours Catholique, Le Secours Islamique, La Croix Rouge, Médecins sans Frontières… La solidarité sans distinction de couleur à laquelle nous avons assisté durant cette crise sanitaire. De tout temps, des femmes et des hommes nous montrent le chemin, l’Abbé Pierre, Nelson Mandela, Mère Teresa, Sœur Emmanuelle… Aujourd’hui encore, d’autres par leur engagement et leurs actions élèvent l’humanité.  L’espoir est là. Il est parfois difficile à percevoir mais il est là. Je veux y croire quand bien même certains font tout pour nous en empêcher. Leur cœur est fermé aux actes vertueux, mais un boulanger a aidé un migrant, et ils n’ont pu s’y interposer. Ils n’ont pu masquer le soutien manifesté par l’ensemble des clients bisontins « de souche », pour qui la couleur de la peau n’avait aucune importance.

Il faut y croire. J’ai espoir. Espoir que l’humanité se dressera toujours face aux déshumanisés.


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