Quelle femme a le droit au féminisme ?

Quelle femme a le droit au féminisme ?

C’est en lisant une interview d’Yvette ROUDY dans le magazine Le Point que j’ai ressenti l’irrépressible envie d’écrire sur un sujet délicat, surtout pour un homme, celui du féminisme. Yvette ROUDY a été la première ministre à avoir été chargée des Droits des femmes et est une fervente militante du féminisme. Dans son interview, la question immanquable du voile et du féminisme dans l’islam lui a été posée, et  ses réponses ont fait naître en moi cette interrogation : peut-on choisir qui a droit au féminisme ?

Peut-on choisir qui a droit au féminisme ? Une vision très réductrice

♦ Le journaliste lui demande : « Ne reconnaissez-vous pas, par exemple, l’existence d’un « féminisme musulman » ?
♦ Je la cite : « Ce sont des femmes qui aiment être soumises ? Elles ne savent pas de quoi elles parlent. » ou encore « Ces filles ne réfléchissent pas. Elles sont manipulées par des hommes derrière elles. ».
♦ Et plus loin, le journaliste lui indiquant qu’étant dans une démocratie, on ne pouvait pas interdire aux femmes de porter le voile. 
♦ Elle répond : « Ah ben si, je leur interdirais ! Ces femmes n’ont pas le droit de se promener en hijab à Paris, c’est un symbole de soumission. Ca fait régresser nous les femmes qui croyions être libérées ».

J’aurais aimé poser à Yvette ROUDY la question suivante : a-t-elle déjà discuté de manière ouverte et sans à priori avec une femme librement voilée ? Dommage que le journaliste n’ait pas été inspiré.

Alors, peut-on penser qu’une femme qui porte le voile est en capacité de réfléchir par elle-même, prendre ses propres décisions et ainsi bénéficier du soutien des féministes ? Cette question, qui paraît insensée, mérite d’être soulevée. La majorité des personnes qui sont contre le voile, mettent en avant le fait que les femmes qui le portent le font contre leur volonté et en dépit de toute réflexion éclairée. Existe-t-il sur terre une femme musulmane qui porte son voile de manière totalement libre, assumée, réfléchie, et sans perdre ses capacités intellectuelles ? Et que dire des femmes voilées célibataires, et qui n’ont donc aucune contrainte de leur mari ? Ou encore de ses femmes converties à l’islam qui n’ont donc subi aucune pression familiale ? Ces femmes sont, je le pense sincèrement, saines d’esprit, et je me surprends que ça soit moi, un homme, qui  me sente obliger de les défendre, ou au moins d’essayer de les comprendre. Le voile n’est pas doté d’un quelconque pouvoir magique néfaste visant à réduire  leur intelligence, ou leur perception du monde. Une femme décidant par elle-même de mettre un voile, reste profondément la même personne à l’intérieur. Le choix vis-à-vis du monde extérieur relève, avant tout, d’un caractère spirituel. Avez-vous remarqué que seul le voile islamique attise tant de haine ? Les femmes musulmanes sont accusées de mener une guerre politique avec pour arme leur voile, alors que le voile chrétien, que portent les bonnes sœurs, inspire le respect et la bienveillance. Pourquoi une telle différence ?

Le leur interdire ?

Yvette ROUDY qui est sensée défendre la liberté des femmes, parle de priver de liberté les femmes qui ne respectent pas ses critères à elle. Ne sommes nous pas là devant un antagonisme, voire une dictature si on s’aventure plus loin. Le féminisme a été créé, me semble-t-il, pour défendre TOUTES les femmes, quelque soit leur origine sociale, culturelle, ou religieuse. Lorsque l’on tente de dire que l’on est ni pour, ni contre le voile, mais qu’on est pour la liberté, on nous oppose à cela ce que les femmes subissent dans certains pays dits islamiques. Certaines se battent pour enlever leur voile, qui est utilisé comme un symbole de soumission à l’homme et non comme un choix personnel religieux.

Soutenir tous les choix et lutter contre les dévires

Je ne suis ni aveugle ni sourd. On ne peut pas nier que des femmes sont contraintes et forcées par des hommes de mettre le voile. Cette obligation s’accompagne d’une privation de leur liberté qui va plus loin que ce simple bout de tissu. C’est sur ce terrain là que les défenseurs (« défenseures » n’a pas encore été acceptée par l’académie française) du féminisme devraient se lever avec force. Toute femme subissant une atteinte à sa liberté doit être protégée et défendue. Dans le cas du voile, on ne peut pas d’un côté accorder son soutien à celles qui ne souhaitent pas le mettre, et de l’autre se battre pour empêcher celles qui souhaitent le mettre. La liberté ne s’arrête pas là où commence sa propre conception de la liberté, elle doit être totale tant qu’elle respecte celle d’autrui. Comment interdire la liberté ? Qui a droit au féminisme ?

Je ne rentrerai pas dans un débat théologique sur l’existence ou non du féminisme dans l’islam. Je ne parlerai pas non plus des vêtements tels que la burqua ou le niqab qui posent problème car le visage est totalement dissimulé. Ce vêtement semble faire disparaitre la femme de l’espace publique et il est pour moi difficile de comprendre qu’une femme puisse le porter de son plein gré et évoluer ainsi auprès du reste de la population. Le contact visuel du visage entre être humain est pour moi primordial, et ne peut être que dans un sens. L’échange de sourire ne peut se limiter au cercle familial ou amical. Mais, comment interdire la liberté si l’on est absolument sûr que le choix de tel ou tel vêtement a été libre et mûrement réfléchi ? Une meilleure solution à la répression serait d’essayer de comprendre ce qui les a poussé à pratiquer à ce choix, prendre le temps de dialoguer avec elles, et les aider à réaliser que la voie du juste milieu est celle que prône les religions.

Non aux deux poids, deux mesures

Le féminisme devrait se mettre à côté de toutes les femmes pour les soutenir dans leurs décisions et les protéger des décisions qui leurs sont imposés par des hommes, ou parfois même par d’autres femmes. J’ai peur que le mouvement auquel nous assistons aujourd’hui ne finisse par définir des critères de femmes qui méritent que leurs droits soient défendus et celles qui seront contraintes de se conformer à ces critères. Le risque est qu’être une femme ne suffira pas. Elles seront prisonnières d’une liberté dans laquelle elles ne pourront s’épanouir pleinement.

Enfin, le féminisme devrait être une lumière d’espoir pour toutes les femmes qui en sont privées et non pas priver les femmes de ce que l’être humain a de plus cher, à savoir le libre arbitre tant qu’il ne représente pas une menace pour autrui.

Auteur de l’article : Les Réflexions d’Amad

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